mardi 13 septembre 2011

Israël-Turquie : mieux vaut être sensé qu'avoir raison

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J’ai appris à ma fille à traverser un passage piéton. Je l’ai immédiatement mise en garde. « Même si le feu est rouge pour les automobilistes », ai-je matraqué, « cela ne te dispense en aucun cas de regarder à droite et à gauche avant de traverser. » « A quoi nous servirait-il », ai-je ajouté, « de remporter contre un chauffeur-fou un procès au tribunal correctionnel si c’était pour s’y rendre sur un fauteuil roulant ». Je le reconnais, j’y suis allé un peu fort. Pourtant c’est cette image qui m’est venu en tête en essayant d’analyser les derniers rebondissements survenus ces dernières semaines dans les relations israélo-turques. Les relations internationales sont-elles donc régies par l’honneur des nations ou par leurs intérêts ?

Alors que les tractations au sujet d’une formule de compromis sur les excuses qu’Israël auraient présentées à la Turquie pour la mort de ses 9 ressortissants sur le Navi Marmara étaient en passe d’aboutir et que les deux éminents ministres « sécuritaires » Ehoud Barak et Dan Méridor y étaient favorables, c’est finalement l’honneur qui a pris le dessus. Binyamin Nétanyahou, convaincu par les ultranationalistes Liebermann et Yaalon a fini par trancher et les menaces turques ne se sont pas faites attendre : expulsion de l’ambassadeur israélien, diatribes anti-israéliennes dans les médias turc et arabe, gel des relations commerciales, etc.  Pourtant, formuler ses excuses, qu’il s’agisse de relations humaines ou de relations interétatiques n’est en aucun cas une marque de faiblesse ou une altération du sentiment national et toute l’estime que les Israéliens ont éprouvé à l’égard des soldats du commando de la marine lorsque ceux-ci ont risqué leur vie pour intercepter la flottille turque en serait sorti indemne. Après tout, les faits sont indiscutables : le 31 mai 2010, Jérusalem a imposé par la force le respect de sa souveraineté si bien qu’il semble qu’Erdogan ait été dissuadé de renouveler l’expérience pour la version 2011 de la flotille en calmant les ardeurs de l’IHH. Mieux : sur la scène internationale, Israël a même marqué des points en voyant son blocus maritime légitimé par le rapport Palmer. Les communicants du premier ministre israélien ont beau eu affirmé que des excuses auraient exposé les soldats du commando à des poursuites judiciaires, c’est justement le refus de Jérusalem qui a produit cet effet.  

A l’heure où les commentateurs les plus pessimistes estiment qu’Israël risquerait d’être le premier à prendre un coup de froid à l’arrivée de l’hiver arabe, était-il judicieux de privilégier l’honneur à l’intérêt ?  Le volume des exportations israéliennes  vers la Turquie est estimé à 1.3 milliards de dollars contre une importation de 1.8 milliards de dollars. Même si le commerce militaire entre les deux pays profite plutôt à Ankara qui s’équipe à Jérusalem pour dompter la résistance kurde, la Turquie est le seul pays en paix avec Israël qui possède une frontière terrestre avec l’Iran et qui pourrait offrir  à l’Etat hébreu son espace aérien pour prendre à revers le menaces syrienne et…iranienne. Autre intérêt, non qualifiable mais autrement plus significatif est la nature du régime d’Ankara dont pourrait s’inspirer un monde arabe en gestation. Car même si le parti AKP semble avoir fait ses adieux à la laïcité du kamélisme, la Turquie n’en reste pas moins une démocratie vivace. La seule du Moyen-Orient arabo-musulman. Et ce constat à lui seul devrait suffire aux preneurs de décision à Jérusalem pour arrondir les angles alors que la région est en proie aux influences les plus obscurantistes.  Le régime turc n’a cessé d’être cité en exemple par les révolutionnaires arabes,  aux prémices mêmes des renversements tunisien et égyptien, comme un modèle de démocratie islamique. Ce plébiscite n’a pas laissé Erdogan indifférent et c’est en nouveau champion du monde arabe qu’il débute aujourd’hui une série de visites dans les trois grands fiefs du printemps arabe.

La région est en train de connaitre une profonde mutation, la plus importante peut-être depuis le déclin de l’Empire ottoman et la fin de la première guerre mondiale, comme l’a justement rappelé Binyamin Nétanyahou. Israël ne pourra évidemment pas changer le cours de l’Histoire mais il peut en tout cas éviter de pousser à la faute en se rappelant comme Machiavel que « les Etas n’ont pas d’amis mais des intérêts ».

lundi 5 septembre 2011

Quand Migron me fout la migraine

Linscription "Mahomet est un porc" sur une façade de la mosquée
Cette nuit, les bulldozers de Tsahal ont démoli, sur ordre de justice, 3 habitations de l'implantation illégale de Migron, près de Ramallah en Cisjordanie. En représailles et fidèles à leur politique dite du "prix à payer", des habitants juifs ont incendié le rez-de-chaussée d'une mosquée près de Naplouse et tagué des étoiles de David sur ses façades (oui, je sais il y a comme une incohérence dans le fait que les représailles ne soient pas tout à fait orientées vers le supposé agresseur, ndr). Je sais pas vous, mais moi ce genre d'informations me donne tout de suite envie de m'adonner à de petits exercices de français. Je vous en suggère un ci-dessous et vous invite à laisser vos commentaires sur la question suivante : "La connerie et la haine sont elles universelles ?"

Exercice :
A l'aide de la liste de mots et d'expressions ci-dessous, vous devrez compléter le texte lacunaire n°2 selon l'exemple n°1. Vous vous livrerez ensuite à une comparaison des champs sémantiques des deux textes.

Exemple n°1 :
Le mardi 13 janvier 2009, la synagogue de Lille a été victime d'un acte de vandalisme antisémite. Les assaillants ont bombé en rouge une croix gammée sur la façade du lieu de prière. Ils ont également tagué l'inscription "Mort aux Juifs" et brisé les vitraux de la synagogue.

Liste :
mardi 13 janvier 2009 - synagogue – antisémite – assaillants - croix gammée - "Mort aux Juifs" - brisé les vitraux


Texte lacunaire n°2 :
Le ------------------, la ----------- de -----------, un village au nord de la Cisjordanie, a été victime d'un acte de ------------. Les -------------- ont bombé des ------------ sur la façade du --------------. Ils ont également tagué l'inscription --------------, et ------------------- de la mosquée.

Liste :
lundi 5 septembre 2011 – mosquée – Koussra – vandalisme antimusulman – assaillants - étoiles de David - lieu de prière - "Mahomet est un porc" - brisé une fenêtre

PS : Quand Migron me fout la migraine, je me console en apprenant que ce sont quand même les "rabbins pour les droits de l'homme" qui ont les premiers dénoncé l'infamie...



jeudi 1 septembre 2011

Qu'a-t-on dans les poches ?


Je suis en train d'achever ces jours-ci la lecture de "Pit'om Dfika Ba-Délèt", (Au pays des mensonges, à paraitre chez Actes Sud le 7 septembre 2011) de l'écrivain israélien Etgar Keret. En lisant l'une des 38 nouvelles courtes et surréalistes du recueil, j'ai tout de suite voulu la traduire pour la partager avec mes amis français non hébraïsants. La voici...

 








Qu'a-t-on dans les poches ? 


Un briquet, une pastille contre la toux, un timbre, une cigarette légèrement écrasée, une cure-dent, un mouchoir, un stylo et deux pièces de cinq shekels. Telle est la liste non-exhaustive de ce que j'ai dans les poches. Pas étonnant, donc, qu'elles soient si pleines. D'ailleurs, on me fait souvent la remarque. Les gens me disent : "Eh ! Oh ! qu'est ce que t'as donc dans tes poches ?". La plupart du temps je ne réponds pas. Je me contente de sourire. Voire de rire. Un rire bref. Un rire jaune, comme si on venait de me raconter une blague. Pourtant, s'ils insistaient pour comprendre, je leur montrerais tout ce que j'ai dans les poches. Je leur expliquerais même que tout cela doit être sur moi, à tout moment. Mais ils n'insistent pas : "Eh ! Oh !" ; rire bref ; silence pesant et on passe à autre chose.
En vérité, tout ce que j'ai dans les poches est dûment réfléchi et préparé. Tout est pensé pour qu'au moment crucial je puisse prendre l'avantage ou plus précisément pour que je ne sois pas pris au dépourvu car quel avantage peut bien vous procurer un cure-dent ou un timbre ? Toutefois si par exemple une jolie fille, bon, disons une fille charmante ou juste une fille normale au sourire dévastateur qui vous coupe le souffle vous demande un timbre, ou se trouve là dans la rue, à côté d'une boite aux lettres, par un soir pluvieux, et vous demande si à tout hasard vous connaitriez une poste ouverte à cette heure-ci et qu'ensuite elle se mette à tousser un peu à cause du froid et un peu parce qu'elle est découragée, car elle sait au fond d'elle qu'elle n'a aucune chance de trouver une poste ouverte dans le coin et encore moins à cette heure-ci, et qu'à cet instant crucial  elle ne vous dit pas "Eh ! Oh !..." et ne vous demande pas ce que vous avez dans les poches mais vous est  simplement reconnaissante du timbre que vous venez de lui offrir, ou se contente de vous faire un sourire dévastateur en échange de votre timbre postal, et bien moi je signe tout de suite , même si le prix des timbres décolle et que celui des sourires dégringole.
Après avoir souri, elle dit merci et tousse à nouveau, un peu à cause du froid et un peu parce qu'elle est gênée. Je lui propose alors une pastille contre la toux. " Qu'as-tu d'autre dans tes poches ?", m'interroge-t-elle d'une voix tendre, loin du "Eh ! Oh !..." et des arrière-pensées négatives. Sans hésiter je lui rétorque : "Tout ce dont tu auras besoin mon amour. Tout ce dont tu auras besoin."
Dorénavant vous le saurez. C'est tout ce que j'ai dans mes poches : une certaine chance de ne pas tout détruire. Pas grande, certes, presque improbable, je sais, je ne suis pas con. Une chance infime que lorsque le bonheur arrivera, je puisse lui dire "oui" plutôt que "désolé, je n'ai ni cigarette, ni cure-dent, ni pièces pour le distributeur de boissons". C'est tout ce que j'ai dans mes poches pleines, une toute petite chance de dire oui pour ne rien regretter.