jeudi 4 août 2011

Convaincre est-il utile ?

Dans un clip vidéo percutant diffusé sur Youtube, le vice-ministre des affaires étrangères israélien, Dany Ayalon, issu du parti de droite radicale Israël Beitenou, nous propose de mettre les pendules à l'heure et de dire toute "la vérité sur la Cisjordanie". Le diplomate y déroule avec brio une série d'arguments vilipendant l'utilisation impropre du terme "territoire occupé" pour définir la Cisjordanie. Dans un anglais impeccable – il fut ambassadeur à Washington sous Ariel Sharon – M. Ayalon nous rappelle que si l'Etat d'Israël a, dans un acte d'autodéfense, conquis la Cisjordanie, c'est des mains des Jordaniens et non de celles de la Palestine qui n'existait pas à cette même époque. 


Loin du discours exalté et messianique d'une certaine frange de l'extrême droite israélienne, M. Ayalon démonte étape par étape le narratif palestinien en faisant référence à différentes résolutions des Nations unies.  Nul doute, l'exposé est impeccable. Je dois d'ailleurs dire qu'il sied tout à fait au juif sioniste que je suis. Toutefois, l'on est en droit de se demander quel objectif vise cette démonstration et en quoi fait-elle avancer le schmilblick ? Le ralliement des Palestiniens et de leurs partisans à travers le monde à UNE vérité historique serait-t-elle encline à faire progresser le processus de paix ? De plus, la poursuite d'une seule vérité historique est-elle possible alors qu'il existe autant de vérités historiques que d'historiens ? C'est vrai, la Palestine n'existait pas en tant qu'Etat nation au moment de l'éveil du nationalisme juif, pas plus que n'existaient la Jordanie, la Syrie ou la Libye, toutes nées de la répartition du butin ottoman par les empires français, britannique ou italien au lendemain de la Grande guerre. Les Palestiniens sont peut être nés de nous avoir vu naitre mais leur revendication à l'autodétermination est également née de la vague de décolonisation qui a déferlé sur le Moyen-Orient au début du XXème siècle. Cependant, alors que leurs frères arabes accédaient à l'indépendance, les Palestiniens durent être confrontés à ce qu'ils perçurent, à tort, comme un nouveau round du colonialisme européen, j'ai nommé le sionisme. 

Tel est tout le drame de ce conflit : deux nationalismes légitimes qui s'affrontent et se diabolisent en brandissant les douleurs de leur passé européen. L'effort de communication visant à délégitimer le nationalisme palestinien sous prétexte qu'il n'a jamais existée de souveraineté palestinienne avant 1948 me semble donc  inutile et infécond. Qui mieux que les Juifs, à qui les antisionistes refusent le droit de s'affirmer en tant que peuple et non en tant que religion, pourrait comprendre qu'il ne suffit pas d'avoir une hymne et un drapeau pour pouvoir prétendre à des droits nationaux ? Le vieil adage d'une "terre sans peuple pour un peuple sans terre" est désuet. Il faudra donc apprendre à vivre avec les Palestiniens au-delà de la technicité du droit international car le pire ennemi de la réconciliation est l'assurance de détenir l'absolue vérité. 

PS : En glanant des informations sur la Toile, je viens de me rendre compte que le clip du ministère n'est en réalité qu'un plagiat d'une vidéo publiée en mai dernier par le Centre d'Information du Conseil représentatif des implantations juives de Cisjordanie (Yésha). On se permettra donc de prendre d'autant plus de précautions sur l'"objectivité" du discours de M. Ayalon. 
Visionner le clip